La cour d’appel de París vuelve a anular el laudo arbitral de 25 de octubre de 2013 en el asunto “Energoalians y la República de Moldavia” (Sentencia de la cour d’appel de París, División 5, Sala 16, 10 enero 2023)

Entre los antecedentes de esta Sentencia merecen destacarse los siguientes: Mediante su laudo dictado en París el 25 de octubre de 2013, el tribunal arbitral ad hoc se declaró competente en virtud del Tratado de la Carta de la Energía TCE y, considerando que la República de Moldavia había incumplido los compromisos derivados de este tratado, le ordenó pagar a Energoalians una suma total de 48,7 millones de dólares estadounidenses.  Para conservar esta competencia, el tribunal consideró que el derecho de reclamación adquirido por la empresa Energoalians a la empresa Derimen constituía una «inversión» en el sentido del artículo 1, punto 6, del Tratado de la Carta de la Energía y que el criterio de territorialidad previsto en el Se logró el artículo 26(1).  El presidente del tribunal arbitral emitió una opinión disidente según la cual el derecho de reclamación transferido a Energoalians no constituye una “inversión” en el sentido del TCE, por lo que el tribunal arbitral debería haberse declarado incompetente. La República de Moldavia interpuso un recurso de anulación contra el laudo ante el Tribunal de Apelación de París el 25 de noviembre de 2013. En sentencia de 12 de abril de 2016, la Cour d’appel anuló el laudo, considerando que el tribunal se había declarado indebidamente competente, el crédito cedido por la empresa Derimen a la empresa Energoalians no puede ser considerado como una “inversión” en el sentido de el ECT. En apelación interpuesta por la empresa Komstroy, llegando a los derechos de Energoalians, la Cour de cassation, por sentencia del 28 de marzo de 2018, revocó y anuló esta sentencia en todas sus disposiciones devolviendo a las partes al mismo tribunal compuesto de otra manera. En la presente decisión la Cour d’appel confirma la anulación del laudo dictado en París, el 25 de octubre de 2013, por el tribunal arbitral

[…]

(i) En droit

  1. Il résulte des dispositions de l’article 91 du règlement de procédure de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 septembre 2012 que les arrêts rendus par cette Cour ont force obligatoire à compter du jour de leur prononcé. L’arrêt rendu à titre préjudiciel lie le juge national pour la solution du litige au principal quant à l’interprétation des actes qu’il concerne ; il revêt, pour la juridiction de renvoi, un caractère obligatoire (CJCE, 3 févr. 1977, aff. 52/76, Benedetti, Rec. CJCE 1977, p. 163 ; CJCE, ord., 5 mars 1986, aff. 69/85, Wünsche : Rec. CJCE 1986, p. 946 ; CJCE, 11 juin 1987, aff. 14/86, Pretore di Salo : Rec. CJCE 1987, p. 2545).
  2. En l’espèce, la cour de céans a considéré dans son arrêt du 24 septembre 2019, à l’issue d’un débat contradictoire et au terme d’une analyse souveraine prenant en considération le montage juridique soumis à l’arbitrage et la nationalité des parties, qu’une saisine préjudicielle de la Cour de justice de l’Union européenne s’imposait.
  3. Cette dernière a retenu sa compétence pour se prononcer dans la présente affaire, sans méconnaître le fait que le différend opposait une entreprise d’un État tiers à l’Union européenne à un autre État tiers, partie au TCE.
  4. Cette affirmation de compétence, comme la saisine qui l’a suscitée, tirent notamment leur justification de la nécessité d’assurer une interprétation uniforme, par les États membres de l’Union européenne, de la notion d’investissement au sens du TCE, recherche d’unité dont la portée est désormais nécessairement circonscrite à des situations mettant en cause des parties tierces à l’Union européenne, la Cour de justice ayant, dans le même arrêt, affirmé que ce traité n’est pas applicable aux différends opposant un État membre à un investisseur d’un autre État membre.
  5. Si la société Stileks fait valoir que le présent litige ne ressortit pas au droit de l’Union européenne eu égard à la nationalité des parties, et invite la cour de céans à cantonner l’interprétation du terme « investissement » par la Cour de Luxembourg aux seuls différends relevant de ce droit, à l’exclusion de ceux s’inscrivant dans l’ordre juridique international, il apparaît qu’une telle distinction n’est nullement envisagée dans le dispositif de l’arrêt préjudiciel, qui lie le juge de renvoi.
  6. La distinction proposée par la défenderesse au recours, conduisant à retenir des définitions différentes selon que le litige se situe dans un champ européen ou international, apparaît en outre inopérante dès lors que :

– la notion d’investissement qu’il s’agit d’interpréter est par nature indépendante de la nationalité de l’investisseur et de son appartenance à l’Union européenne, le critère de nationalité ou de citoyenneté énoncé au point 7 de l’article 1er du TCE étant sans incidence sur la définition de l’investissement donnée au point 6 du même article, laquelle repose sur les caractéristiques intrinsèques de l’opération, sans considération pour la nationalité de leurs auteurs, celle-ci ne valant que pour la détermination des personnes susceptibles de revendiquer l’application du TCE à leur bénéfice ;

– le postulat fondant cette distinction, selon lequel il existerait dans l’ordre juridique international une définition univoque de la notion d’investissement au sens du TCE que l’appréciation portée par la Cour de justice de l’Union européenne viendrait heurter ou contredire, n’est nullement démontré, les données du présent litige infirmant à elles seules le bien-fondé d’une telle assertion. Les conditions dans lesquelles la sentence querellée a été rendue illustrent en effet l’existence de divergences à ce sujet et d’un débat opposant, à tout le moins, deux interprétations possibles de ce terme au regard du TCE, l’une large, retenue par le tribunal arbitral à la majorité de ses membres, l’autre empreinte d’une approche plus économique, exposée par son président dans son opinion dissidente, chacun avançant au soutien de sa position des précédents arbitraux et des analyses doctrinales.

  1. La cour observe par ailleurs que l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne ne contrevient en rien à celle pouvant être faite conformément à l’article 31 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969, auquel se réfère expressément l’avocat général [H] pour parvenir à la même conclusion que la Cour, et qui énonce:

1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.

2. Aux fins de l’interprétation d’un traité, le contexte comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus;

a) Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l’occasion de la conclusion du traité ;

b) Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l’occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu’instrument ayant rapport au traité.

3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte :

a) De tout accord ultérieur intervenu entre les parties au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions ;

b) De toute pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité ;

c) De toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties.

4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s’il est établi que telle était l’intention des parties.

  1. La lecture de l’arrêt préjudiciel fait en effet apparaître que la Cour de justice a suivi une méthode d’interprétation analogue à celle-ci et s’est attachée à interpréter le TCE en en considérant les termes, à la lumière de son objet et de son but, en se référant au préambule du traité et en prenant en considération sa structure.
  2. Le moyen tiré du non-respect du principe Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus ne peut, à cet égard, être valablement invoqué par la société Stileks, ce principe n’étant pas en cause dans l’interprétation donnée par cette Cour qui, à la différence des premiers juges du recours, ne fait nullement référence à la notion d’apport pour caractériser l’absence d’investissement, mais se borne à une analyse des termes et de la structure du traité, sans ajouter au texte une distinction qu’il ne contiendrait pas.
  3. La société Stileks ne saurait enfin se prévaloir de la commune volonté des parties pour écarter le jeu de cette interprétation, aucun élément extrinsèque au TCE ne permettant en l’espèce de caractériser une telle volonté en ce qui regarde la signification du terme «investissement» au sens du TCE, l’adhésion inconditionnelle de la Moldavie à ce traité ne permettant de tirer aucune conclusion sur ce point, de sorte que la compétence du tribunal arbitral et l’étendue de son pouvoir juridictionnel doivent ici être analysés au regard des dispositions du TCE fondant le recours à l’arbitrage, qu’il revient aux arbitres puis, le cas échéant, au juge de l’annulation d’interpréter en cas de contestation.
  4. D’où il suit que l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 2 septembre 2021 s’impose, en droit, à la cour de céans.

(ii) En fait

  1. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne relative à la répartition des tâches établie par l’article 234 du TCE, devenu 267 du TFUE, le rôle de la Cour de justice se limite à fournir à la juridiction nationale les éléments d’interprétation du droit de l’Union nécessaires à la solution de l’affaire portée devant elle, alors que c’est à cette dernière qu’il incombe d’appliquer ces règles, telles qu’interprétées par la Cour, aux faits de l’affaire considérée (CJCE, 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, aff. C-342/97, Rec. I. 3819, point 11 ; CJCE, 27 sept. 2001, Bacardi, aff. C-253/99, Rec. I. 6493, point 58 ; CJCE, 15 janv. 2002, Weidacher, aff. C-179/00, Rec. I. 501, point 38).
  2. Invoquant cette répartition des tâches, la société Stileks invite la cour de céans à se départir de l’interprétation de la notion d’investissement formulée par la Cour de justice, motif pris que cette Cour se serait prononcée sur des éléments factuels incomplets et se serait ainsi livrée à des constatations erronées.
  3. Il apparaît toutefois, sur le premier point, que la Cour de justice disposait, en plus de l’arrêt de renvoi énonçant les questions préjudicielles qui lui étaient soumises, de la sentence arbitrale querellée, qui contient un exposé particulièrement détaillé des « faits établis » (§§ 66 et sq.) incluant une description précise du montage en cause. Étaient également joints au dossier transmis à Luxembourg les contrats n° 24/02 et n° 06-20 qui organisent les relations entre les parties prenantes à l’opération litigieuse et énoncent les droits à l’origines des revendications de la société Stileks.
  4. S’il est loisible à cette dernière de produire de nouvelles pièces au soutien de ses prétentions sur l’appréciation à porter concernant les faits de l’espèce, sans que puisse lui être valablement opposée la déloyauté d’un tel procédé, dès lors que le principe de la contradiction a bien été respecté, ce que rien ne vient ici contredire, la défenderesse ne saurait en revanche sérieusement soutenir, au vu de ce qui précède, que les éléments de fait soumis à la Cour de justice de l’Union européenne auraient été incomplets et n’auraient pas permis à celle-ci de livrer une analyse pertinente et ce, alors même que l’essentiel de l’argumentation produite au soutien de sa thèse repose sur une reprise des constatations et appréciations faites par le tribunal arbitral dans la sentence querellée.
  5. Sur le fond, la société Stileks critique la non-prise en considération par la Cour de justice du caractère global de l’opération dans laquelle s’est inscrite la cession de créance revendiquée comme constitutive d’un investissement au sens du TCE, faisant grief au juge européen d’avoir qualifié d’opération commerciale la relation contractuelle entre Moldtranselectro, Derimen et Energoalians alors que, selon la défenderesse, le créance de Derimen doit s’analyser comme faisant partie d’un tout ayant pour finalité d’assurer l’alimentation en électricité de la Moldavie, les relations juridiques nées du contrat n° 24/02 ne pouvant être traitées de façon indépendante.
  6. La cour relève, à titre liminaire, que la première condition exigée par l’article 1, point 6, premier alinéa, du TCE doit être considérée comme réalisée, la créance litigieuse constituant un « avoir » détenu directement par un « investisseur » au sens de ce traité, ce que les parties ne contestent pas.
  7. Il y a dès lors lieu de déterminer si, en considération des circonstances de fait de l’espèce et des éléments nouveaux invoqués par la défenderesse, cette créance peut être regardée comme un droit conféré par contrat ou découlant de licences ou d’autorisations délivrées conformément à la loi « pour l’exercice d’une activité économique dans le secteur de l’énergie », au sens de l’article 1, point 6, premier alinéa, sous f) du TCE, ou si elle présente le caractère d’une créance liquide « au titre d’un contrat à valeur économique et associé à un investissement », au sens du c) du même article, suivant l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne.
  8. La créance dont s’agit a été acquise par la société Energoalians par l’effet du contrat n° 06-20 du 30 mai 2000, dont l’unique objet est d’opérer rétrocession à cette société de la créance que détenait la société Derimen à l’encontre de Moldtranselectro en vertu du contrat n° 24/02 du 26 février 1999. Ce dernier, intitulé « contrat de fourniture d’énergie électrique », a pour objet « la fourniture à l’Acheteur [Derimen] de l’énergie électrique appartenant au Fournisseur [Energoalians] en provenance du marché de gros de l’électricité, pour l’utilisation finale par le Bénéficiaire [Moldtranselectro], ainsi que le règlement réciproque des Parties au titre des fournitures susmentionnées, tant en numéraire qu’en nature (sous forme de troc) ».
  9. Ainsi que l’a relevé la Cour de justice, il ne saurait être déduit de ces conventions, qui présentent une nature commerciale, que la société Energoalians, aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Stileks, aurait acquis un « droit contractuel pour l’exercice d’une activité économique dans le secteur de l’énergie », la créance litigieuse ne conférant qu’un droit au paiement et le contrat dont s’agit ne contenant, en lui-même, aucune autorisation pour l’exercice d’une telle activité.
  10. Il ne résulte pas davantage de ces conventions que cette créance serait issue d’un contrat « associé à un investissement », la relation contractuelle en cause ayant pour seul objet la fourniture à Derimen de l’électricité « appartenant » à Energoalians, « en provenance du marché de gros », en vue de sa revente à Moldtranselectro, la créance en question étant ainsi associée à une simple opération de vente, sans que puisse être caractérisé un quelconque investissement.
  11. La prise en considération du contexte géopolitique, économique et juridique ayant présidé à la conclusion de ces conventions, mis en avant par la défenderesse, n’est pas de nature à modifier cette appréciation.
  12. Il en va ainsi du caractère tripartite de la relation contractuelle établie par le contrat n° 24/02, sur lequel insiste la société Stileks, qui est toutefois sans incidence aucune sur la nature de l’opération.
  13. Il en va de même des motifs à l’origine de la conclusion de cette convention, qui ne permettent pas davantage de revoir la qualification commerciale de la relation contractuelle à l’origine de la créance litigieuse.
  14. La société Stileks soutient ici, en substance, que le contrat n° 24/02 trouve son origine dans les retards de paiement récurrents de Moldtranselectro et que l’intervention de la société Derimen aurait été principalement instaurée « à des fins d’affacturage », le véritable prestataire de l’opération étant Energoalians, laquelle produisait l’électricité fournie et aurait bénéficié, à cette fin, d’autorisations. Elle met notamment en avant, à ce titre, le contrat n° 1/01 du 1er février 1999 conclu entre Ukrenergo, Energoalians et Moldtranselectro, les licences délivrées par les autorités ukrainiennes pour la production et la fourniture d’électricité, ainsi que le témoignage de M. [N] [I], créateur et actionnaire de contrôle des sociétés Energoalians et Derimen.
  15. La cour observe que ces éléments ne peuvent être regardés comme nouveaux, pour avoir déjà été invoqués devant le tribunal arbitral, tant pour ce qui concerne le rôle joué par Derimen dans le processus de paiement que la location de centrales par Energoalians.
  16. Leur examen fait apparaître que le contrat n° 1/01, dont le contrat n° 24/02 ne fait pas mention, a pour objet « l’achat d’énergie électrique sur le marché de gros de l’énergie électrique de l’Ukraine (ORE) pour son exportation par [Energoalians] vers la République de Moldavie ». Il n’implique donc pas la production de cette électricité par Energoalians.
  17. À cet égard, si M. [I] expose, dans son attestation, en sa qualité d’actionnaire des sociétés Energoalians et Derimen, que l’électricité fournie au titre de ce contrat était en fait produite par la première de ces deux sociétés, qui louait pour ce faire des unités en Ukraine, cette affirmation ne permet toutefois pas d’assimiler la créance litigieuse à un investissement au sens du TCE dès lors que :

– cette créance est issue du seul contrat n° 24/02, qui ne saurait en lui-même être regardé comme étant à l’origine de la production et des autorisations revendiquées ;

– l’interposition de la société Derimen au titre de ce contrat ne peut être ignorée, nonobstant sa qualification par son créateur de « société purement technique », le montage mis en place confortant au contraire la nature commerciale de cette convention, qui inscrit la créance litigieuse dans une opération financière d’affacturage, de sorte que, à supposer admise l’existence d’un « investissement » réalisé par Energoalians par la production de l’électricité fournie au titre du contrat n° 1/01, le contrat n° 24/02 ne lui est pas associé, pour procéder d’une opération distincte de commercialisation sous-tendue par des fins financières ;

– la structure du TCE invite, à cet égard, à clairement distinguer les activités commerciales, envisagées dans la deuxième partie de ce traité, des investissements, dont la troisième partie entend favoriser la promotion et la protection.

  1. L’argumentation de la société défenderesse consiste ici à gommer l’existence du contrat n° 24/02 et l’interposition de la société Derimen dans une opération d’achat pour revendre, afin de remettre en cause la qualification commerciale du contrat à l’origine de la créance litigieuse, laquelle, conformément à la solution dégagée en droit par la Cour de justice de l’Union européenne, conduit à exclure la notion d’investissement au sens du TCE.
  2. Il s’ensuit que le droit de créance invoqué par la défenderesse ne peut être qualifié d’investissement au sens du TCE.
  3. Cette condition faisant défaut, il y lieu de juger que le tribunal arbitral s’est à tort déclaré compétent pour connaître du litige opposant la société Energoalians à la République de Moldavie, cette incompétence constituant un motif d’annulation de la sentence arbitrale querellée en application des dispositions de l’article 1520, 1°, du code de procédure civile.

(iii) Sur l’atteinte au droit de propriété à raison de l’annulation de la sentence arbitrale

  1. Pour contester le principe d’une telle annulation, la société Stileks invoque la décision rendue par la Cour européenne des droits de l’homme le 30 juin 2022 qui, dans une affaire opposant la société BTS Holding à la République de Slovaquie (req. n° 55617/17), a condamné cette dernière à raison de l’inexécution d’une sentence arbitrale, considérant qu’un tel refus constituait une violation de l’article 1 du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux termes duquel :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et par les principes généraux du droit international.

Toutefois, les dispositions qui précèdent ne portent nullement atteinte au droit d’un État de faire appliquer les lois qu’il juge nécessaires pour contrôler l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou autres contributions ou pénalités. »

  1. Estimant, au cas d’espèce, que la sentence arbitrale de la société requérante était suffisamment établie pour constituer un « bien » au sens de ce texte, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que le refus d’exécuter cette sentence par les juridictions slovaques caractérisait une ingérence dans le droit au respect des biens, retenant que les motifs sur lesquels s’étaient fondées ces juridictions sortaient du cadre juridique permettant de refuser l’exécution d’une sentence arbitrale étrangère autorisée par les dispositions du droit interne et de la Convention de New York et que, à supposer même que ce refus d’exécution servît un intérêt général, il n’était pas été démontré qu’il fût proportionné à cet objectif.
  2. La société Stileks avance que l’annulation de la sentence litigieuse sur la base de l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne sortirait du cadre français permettant une telle annulation, en la privant du bénéfice de l’interprétation du TCE au sens du droit international, sortant ainsi d’une manière manifestement erronée du cadre juridique permettant le contrôle d’une sentence arbitrale.
  3. La cour observe toutefois que la décision de la Cour européenne des droits de l’homme invoquée concerne la seule exécution d’une sentence devenue définitive. La Cour de Strasbourg relève en effet dans sa motivation que la sentence en question « aurait pu être contestée par les procédures prévues à cette effet dans la juridiction du siège de l’arbitrage ». Elle a, ce faisant, réservé l’hypothèse du contrôle opéré par le juge du recours, dans laquelle s’inscrit la présente affaire.
  4. Il apparaît par ailleurs que, contrairement à ce que soutient la société défenderesse, l’application de l’interprétation dégagée par la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas eu pour effet de priver cette société des attentes légitimes de l’investisseur, qui a engagé la procédure arbitrale sur la base de son investissement reconnu conforme au TCE par le tribunal arbitral, et qui se verrait indûment privé des fruits de ses créances valides au gré d’une interprétation ultérieure de cette notion, faisant ainsi peser sur lui une charge excessive et disproportionnée.
  5. Outre le fait qu’une telle conception revient à nier l’office du juge du contrôle, prévu par la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères signée à New York le 10 juin 1958, en le privant de toute possibilité d’une analyse divergente du tribunal arbitral, il résulte en effet des motifs qui précèdent que l’application au cas d’espèce de l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne n’a en rien contrevenu à celle pouvant être admise en droit international, la position de la société Stileks reposant ici sur un postulat erroné, que les données mêmes de la présente affaire viennent contredire.
  6. En quoi, le moyen tiré de la violation du droit de propriété, qui manque en droit, doit être rejeté.
  7. Il y a lieu, au vu de l’ensemble de ce qui précède, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens développés par les parties, de prononcer l’annulation de la sentence querellée à raison de l’incompétence du tribunal arbitral, en l’absence d’investissement protégé au sens du TCE.

Sur les frais et dépens

  1. La société Stileks, qui succombe, sera condamnée aux dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
  2. Elle sera en outre condamnée à payer à la République de Moldavie la somme de

250 000 euros au titre de l’article 700 du même code, la cour relevant que les parties s’accordent pour évaluer à ce montant les frais irrépétibles qu’elles ont engagés pour les besoins d’une procédure dont la durée et la complexité justifiaient d’importants frais de conseil.

(iv) Dispositif

Par ces motifs, la cour :

1) Reçoit la société Stileks Scientific and Production Firm Llc en son intervention volontaire principale ;

2) Annule la sentence rendue à Paris, le 25 octobre 2013, par le tribunal arbitral ad hoc composé de MM. [W] et [G], arbitres, et de M. [O], président entre la société Energoalians et la République de Moldavie ;

3) Condamne la société Stileks Scientific and Production Firm Llc aux dépens ;

4) Condamne la société Stileks Scientific and Production Firm Llc à payer à la République de Moldavie la somme de deux cent cinquante mille euros (250 000 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

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